Raoul Vilette

 

  LE MARCHÉ DES MOTS


LES MOTS DU MARCHÉ

Le lexique de la langue unique
en 350 définitions
et 700 citations

  "Politiciens de tous les partis, journalistes de tous les médias, fabricants et marchands de toutes les nuisances, universitaires de toutes obédiences utilisent, pour la plupart, un langage particulier qui oscille entre l'odieux et le ridicule". Tout l'objet, et l'esprit, de l'ouvrage de Raoul Vilette est contenu dans cet extrait de la quatrième de couverture de ce lexique, sorte de Petit Robert du prêt-à-parler politico-économique.
De A comme "accompagnement" à Z comme "zones de non droit", tous ces mots, termes et expressions qui reviennent trop souvent pour être honnêtes, sont décortiqués
par l'auteur, journaliste de son état quoique
sous un autre nom.

 "Flexibilité", "entreprise citoyenne", "acquis", "intégrisme" et 350 autres mots sont passés au scanner pour dévoiler la réalité qu'ils recouvrent et nous prouver que, bien souvent, en politique, ils signifient tout simplement le contraire de leur sens courant. Ainsi, "nantis" doit s'entendre, dans le lexique Vilette, par:"toutes les personnes qui reçoivent un revenu un peu supérieur au SMIC", et non pas "riches et bien pourvus'"; tandis que "citoyenneté" est exécuté comme suit:"soumission librement consentie à l'Etat politique et socio-économique. Elle prescrit l'adhésion aux associations solidaires pour compenser le désengagement social de l'Etat (...)".

  Tout le sabir libéral est ainsi passé au peigne fin, "le marché des mots" prouvant sans contredit à ceux qui en doutaient encore que la manipulation des esprits et sa petite soeur la langue de bois ne sont pas l'apanage des régimes &laqno;communistes».

Mais l'originalité du bouquin réside surtout dans les 600 citations qui illustrent les définitions, parfaitement éclairantes et d'un humour constant, bien que totalement involontaire. Les politiques (Robert Hue aussi bien que Jacques Chirac), les journalistes, ainsi que tout le microcosme social et économique en prennent pour leur grade. On ne s'étonnera pas que les représentants du patronat donnent dans le cynisme, comme Yvon Gattaz, ancien président du CNPF, quand il s'exprime ainsi sur le chômage : "Les Français préfèrent le chômage aux sacrifices ? (...) Je pense que nous avons dépassé, par bonheur, cette résignation égoïste, car il y aura bientôt un chômeur par famille française".

Les syndicalistes eux-mêmes ne sont pas épargnés ne sont pas épargnés. Ainsi "clivages traditionnels" est-il illustré par cette "forte" pensée de la patronne de la CFDT qui affirme qu'"il faut les dépasser, car à gauche et à droite, les gens qui réflléchissent avancent les mêmes solutions". C'est gentil pour les autres.

Terminons par une perle de journaliste, celle de Franz-Olivier Giesbert au mot "complexité" : "Alternativement ou en même temps pétainiste et résistant, socialiste et libéral, autoritaire et tolérant, François Mitterand savait incarner la complexité française".